Lors de visites de communes, plusieurs élus
m'ont fait part de leurs inquiétudes liées à la situation de certains d'entre eux qui sont par
ailleurs présidents d'association et aux risques encourus par la constitution
d'une situation de gestion de fait.
Afin de vous rassurer et de permettre aux élus, responsables d'association, de ne prendre aucun risque de devoir être confronté à une gestion de fait ou à une prise illégale d'intérêt, je publie ici le texte d'une réponse ministérielle détaillée sur ce sujet en réponse à la question de l'un de mes collègues sénateurs.
Afin de vous rassurer et de permettre aux élus, responsables d'association, de ne prendre aucun risque de devoir être confronté à une gestion de fait ou à une prise illégale d'intérêt, je publie ici le texte d'une réponse ministérielle détaillée sur ce sujet en réponse à la question de l'un de mes collègues sénateurs.
M. Jean Louis Masson attire
l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le caractère
parfois imprécis de la notion de gestion de fait au sein d'une association.
En
principe, la gestion de fait résulte de la violation de la règle de séparation
entre ordonnateur et comptable.
Toutefois, les liens entre certaines
associations et les communes peuvent engendrer une dépendance des associations
quant à leur gestion.
Or très souvent, lorsque les associations sont
subventionnées par une commune, des élus municipaux sont membres de droit du
conseil d'administration.
Il souhaiterait donc qu'il lui précise les éléments
qui constituent une gestion de fait dans le cas d'espèce, les conséquences
juridiques éventuelles et les mesures de précaution à prendre éventuellement
par les communes pour éviter toute difficulté.
Le ministre de la justice précise qu'aucun principe ne s'oppose à ce que des élus
locaux participent à la gestion d'associations.
Toutefois, les liens mis en
place avec les collectivités publiques emportent nécessairement des
conséquences juridiques dès lors que des concours financiers publics sont
accordés aux associations.
En premier lieu, il convient de rappeler qu'aux
termes de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux
droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et du décret
n° 2001-495 du 6 juin 2001 pris pour son application et relatif à la
transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques, des
obligations s'imposent selon le niveau des subventions allouées ; une
convention doit être conclue entre l'autorité administrative et l'organisme de
droit privé qui perçoit des subventions annuelles excédant 23 000 euros et lorsque celles-ci
dépassent 153 000 euros, les comptes de l'organisme subventionné doivent en
outre être déposés en préfecture.
Les associations subventionnées relèvent de
surcroît du contrôle facultatif de la Cour des comptes, des chambres régionales
de comptes ou des chambres territoriales des comptes. L'étendue du contrôle qui
peut être effectué varie alors selon le niveau relatif des subventions ainsi
perçues dans les ressources totales de l'association bénéficiaire ; il se
limitera au compte d'emploi si les subventions n'excèdent pas 50 % des
ressources (art. L. 211-6, R. 133-4 et R. 211-3 du code des juridictions financières).
S'agissant de la participation d'élus locaux
au fonctionnement des organismes privés subventionnés par la collectivité
publique, deux écueils doivent être évités : celui de la gestion de fait et
celui des infractions pénales de prise illégale d'intérêts et de détournement
de fonds publics.
La notion de gestion de fait développée par les juridictions
financières s'applique à toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable
public ou sans autorisation, s'immisce dans le maniement de deniers publics en
méconnaissance du principe fondamental de gestion des finances publiques qu'est
la séparation des ordonnateurs et des comptables, ces derniers ne pouvant
notamment être élus.
La participation d'élus à la gestion d'une association
subventionnée n'est pas en elle-même de nature à les constituer gestionnaires
de fait. Pour être applicable, la gestion de fait suppose que, pour les
opérations en cause, l'association ne dispose d'aucune autonomie par rapport à
la collectivité publique et notamment qu'elle prenne en charge certaines
dépenses ou recettes qui sont normalement et légalement dévolues à la
collectivité publique.
Dans sa jurisprudence, le juge des comptes distingue
trois formes fréquentes de gestion de fait tenant à l'extraction irrégulière de
deniers publics, à l'ingérence dans l'encaissement de recettes publiques et au
recours à une association transparente dont l'objet et l'activité sont fictifs.
Ainsi, modifier l'affectation de subventions versées à une association,
généralement en vue de financer son fonctionnement ou une action précise, en
lui faisant supporter la charge financière d'une dépense incombant légalement à
la personne publique, est constitutif d'une gestion de fait par extraction
irrégulière des deniers publics.
De même, le fait d'encaisser et de conserver
les recettes afférentes à une activité organisée par une collectivité publique
sans y être habilité par une convention est constitutif de la deuxième forme
courante de gestion de fait par ingérence dans l'encaissement de recettes
publiques.
Dans la troisième forme fréquente de gestion de fait, un faisceau
d'indices permet de caractériser la transparence d'une association : l'absence
d'indépendance réelle à l'égard de la collectivité publique pour son
financement, son organisation, son fonctionnement, sa gestion, un pouvoir de
décision détenu en fait par l'autorité publique ou ses représentants et une
activité qui en fait un démembrement du service public.
L'objectif de
l'autorité publique qui recourt à une structure associative transparente vise
généralement à échapper aux règles du droit public au bénéfice du statut
associatif, afin par exemple de se soustraire au contrôle des dépenses
publiques, au code des marchés publics...
Les subventions attribuées à une
association transparente sont alors qualifiées de fictives par le juge des
comptes et conservent leur caractère de deniers publics, de sorte que les
personnes qui les manient sans disposer de la qualité de comptable public qui
l'autorise, ou celles qui tolèrent qu'elles soient ainsi employées, peuvent
alors être déclarées gestionnaires de fait.
En outre, modifier l'affectation
des subventions versées à une association, généralement en vue de financer son
fonctionnement ou une action précise, en lui faisant supporter la charge
financière d'une dépense incombant à la personne publique est
constitutif d'une gestion de fait par extraction irrégulière des deniers
publics.
La gestion de fait ne tient donc pas à la participation d'élus à la
gestion de l'association, mais au manque d'indépendance de ses activités, qui
sont de fait un simple prolongement dans un autre cadre juridique des activités
de la personne publique.
Il peut ainsi y avoir gestion de fait sans qu'aucun
élu ne dirige statutairement l'association.
Afin de se prémunir de toute
gestion de fait, il importe donc que les élus participant à l'animation
d'associations déterminent précisément les relations entre la collectivité
publique et l'association subventionnée, au travers notamment de conventions de
partenariat qui déterminent très clairement les obligations réciproques de
chacune des parties en particulier financières (recettes et dépenses), qui
assurent l'indépendance de l'organisme subventionné et qui soient
scrupuleusement respectées dans l'exercice concret de l'activité associative.
Il convient en effet d'indiquer que le comptable de fait engage sa
responsabilité sur ses biens personnels, supporte la même responsabilité que le
comptable de droit et peut donc être condamné à une amende en sus du débet.
Outre cette responsabilité pécuniaire, l'élu qui participe à l'animation du
secteur associatif subventionné peut plus particulièrement engager sa
responsabilité pénale dans deux hypothèses. Si un élu local prend un intérêt
quelconque dans une association (en participant à son administration ou à sa
surveillance, en étant employé par elle, en contractant avec elle...) et en
même temps dispose d'un pouvoir général ou d'une délégation de pouvoir au sein
d'un exécutif local qui lui permet de participer à la décision d'octroi d'une
subvention à ladite association, une telle situation est de nature à
caractériser une prise illégale d'intérêt, délit prévu et réprimé par l'article
432-12 du code pénal (voir les arrêts de la chambre criminelle de la Cour de
cassation du 8 juin 1995 association T., du 6 août 1996 association Expo marine
et du 9 mars 2005 association Philolille).
Le contrôle et la surveillance de
l'organisme subventionné qui doivent s'exercer dans l'intérêt général
pourraient en effet être compromis par un intérêt personnel, direct ou
indirect, matériel ou moral, en pareille situation. Enfin, si l'argent d'une
subvention publique est utilisé à d'autres fins que celles ayant motivé son
octroi, le délit de détournement de fonds publics est susceptible d'être constitué.