Mesdames, Messieurs, chers amis,
L’année 2016 s’ouvre et comme le veut la tradition nous
sommes réunis pour échanger des vœux, pour souhaiter que cette année soit heureuse pour chacune et
chacun d’entre vous, que vous soyez en
bonne santé, que les heurts et douleurs de la vie vous épargnent. Pour nous
souhaiter collectivement une année d’espoir, de solidarité.
La tradition veut également que nous jetions, à regret
tant elle fut mauvaise, un coup d’œil dans le rétroviseur sur l’année 2015.
A cette même époque, l’année dernière je vous présentais
mes vœux alors que nous venions de subir une première vague d’attentats qui
avaient bouleversé notre pays et nous n’imaginions pas alors (même si la
crainte était présente dans nos esprits) vivre à nouveau –et avec quelle
ampleur- la terrible attaque du 13 novembre.
A ce moment, nous avons tous une pensée pour les victimes
de ces attentats odieux, pour ces innocents dont le seul crime était de vivre
libres dans une société ouverte et généreuse, de s’exprimer librement, d’aller
au concert , de partager un verre à la terrasse d’un café.
La France est en guerre, c’est par ces mots
que le Président de la République ouvrait la réunion du congrès à Versailles le
16 novembre, la réalité de cette situation nous a tous frappés de plein fouet
et plus rien ne peut désormais être regardé comme avant.
L’état d’urgence proclamé et reconduit, le renforcement
des mesures de sécurité, l’intensification des frappes militaires en Syrie et
en Iraq , l’unité de la Nation pour faire front à Daesch, c’est la réponse d’un
état démocratique aux actes de guerre qui lui sont imposés par une armée d’une
nature nouvelle, une armée de terroristes fanatiques, sanguinaires, ne reculant
devant aucune atrocité.
Le modèle des sociétés démocratiques occidentales est
attaqué, la France est touchée, dans ses valeurs les plus profondes et dans sa
chair et la réponse des Français aux attentats réinterroge le sentiment
national que certains extrémismes essaient de confisquer.
Or la Nation nous appartient, à nous tous et je voudrais
vous rappeler la définition qu’en donne Ernest Renan :
« Une nation
est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en font
qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé,
l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de
souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la
volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis…
Avoir des gloires
communes dans le passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de
grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions
essentielles pour être un peuple. …
«avoir souffert ensemble» ;
oui, la souffrance en commun unit plus que la joie. En fait de souvenirs
nationaux, les deuils valent mieux que les triomphes, car ils imposent des
devoirs, ils commandent l'effort en commun.
Une nation est donc
une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu'on a faits
et de ceux qu'on est disposé à faire encore. »
La réaction spontanée des français le 11 janvier ne dit
pas autre chose que cette appropriation commune de la Nation et la volonté de
poursuivre, ensemble. L’idée nationale n’appartient à aucun parti, surtout pas
aux plus extrémistes, mais elle exige l’adhésion de tous les membres de la
communauté.
Dans ce cas, comment un terroriste, condamné pour des
actes commis contre la Nation Française, au nom d’une idéologie fanatique qui
rejette tout ce qui fonde les valeurs de base et la construction de notre
démocratie, qui au nom de cela massacre ses concitoyens, comment un tel
individu pourrait-il être encore membre à part entière de cette communauté
nationale ?
Quelle forme donner à cette exclusion ?
comment viser les coupables et eux seuls ?
La question nous est posée par la proposition de réforme
de notre Constitution.
Je ne sais à cet instant s’il faut parler de déchéance,
d’indignité nationale, de bannissement, il faut trouver la formule adéquate,
celle qui n’atteindra que les coupables sans blesser quiconque d’autre.
Mais ce qui importe c’est de prendre une mesure forte
et symbolique qui acte la séparation d’avec la communauté nationale pour tous
ceux qui sont condamnés pour acte de terrorisme, qu’ils soient bi-nationaux
ou mono-nationaux et que cela se traduise par une privation des droits
civiques, civils et familiaux qui sont attachés à la nationalité.
Parce que la menace est d’une nature nouvelle et durable,
notre société doit adapter son arsenal de réponse. Parce que le risque de
nouvelles frappes est toujours là, et à son niveau maximum, la France ne peut
relâcher sa vigilance, l’état de droit ne doit pas être l’état de faiblesse .
Parce que ce que cherchent à faire les terroristes c’est
briser l’unité nationale et fragiliser toutes les démocraties, que leur volonté
est d’instaurer ce que Mireille Delmas-Marty appelle une « guerre civile
mondiale et permanente » il faut plus que jamais être capables d’oublier les
ambitions politiciennes, les querelles de clocher pour se retrouver autour de
la défense de nos valeurs et dans la réaffirmation de notre volonté de vivre
ensemble, dans les règles qui sont celles de notre république et qui
s’appliquent à tous.
Pardonnez la gravité de ce propos en ce moment de vœux, mais
je crains que dans notre monde médiatique, soumis au dictat de l’immédiateté,
on oublie trop vite ce contexte qui pèse sur toute nos actions.
La commémoration est utile mais nous ne sommes pas encore
dans le temps d’après, nous ne sommes pas dans le passé, malheureusement, mais
dans un présent qui dure et durera sans doute encore longtemps.
Au delà de cette menace terroriste, nous vivons dans un
monde en pleine mutation avec tout ce que cela comporte de violence, de
violence pure et aussi de violence sociale, mais aussi de raisons d’espérer et
de construire :
-
la situation géo-politique internationale à
laquelle nous nous intéressons trop peu ou trop partiellement, comme si la
France était dans une bulle et non pas au sein d’un monde en pleine
effervescence, les changements climatiques, amènent aux portes de l’Europe des
flots de migrants chassés de leurs terres par la guerre ou par la misère, ou
par les deux trop souvent. L’Europe que nous avons bâtie pour garantir la
paix, mais aussi il faut bien le dire un certain niveau d’opulence, a
l’impérieux devoir de faire face de manière globale à cette situation et de
jouer pleinement son rôle. On ne peut pas laisser les Etats, seuls face à ces
situations, gérer l’urgence ou se prémunir avec des protections de pacotille,
les frontières de barbelés ne tiendront pas longtemps si l’on ne s’attaque pas
aux sources du problème.
-
La compétition économique mondialisée, la
rapidité de l’évolution industrielle et technique, l’économie numérique qui
bouleverse le modèle productif, l’instabilité des économies émergentes,
malmènent les économies traditionnelles qui n’ont pas su adapter leur modèle,
souvent libéral, aux réalités d’aujourd’hui et plus encore à celles de demain.
Dans ce monde en ébullition, nos sociétés s’adaptent dans
la douleur, forcées d’intégrer ce mouvement inéluctable et en même temps
soucieuses de préserver un modèle économique et social stable et protecteur
pour leurs citoyens.
C’est à ces défis immenses que nous sommes confrontés,
c’est à ces questions fondamentales pour l’avenir que le politique doit
apporter des réponses et tracer un chemin.
C’est aussi dans ce contexte que s’inscrit l’action du
gouvernement et du parlement. C’est ce qui justifie l’ampleur des réformes de
fond engagées depuis 2012.
Je ne vais pas me lancer dans un plaidoyer pro-domo de
l’action du gouvernement, ni me livrer à l’exercice favori de certains de mes
collègues en fustigeant systématiquement toutes ses positions ;
Je voudrais simplement m’entretenir avec vous d’un sujet
majeur qui me tient particulièrement à cœur : la politique de l’emploi, de la formation et
de l’apprentissage que le Président de la République vient de remettre au cœur
de notre action pour 2016.
la France subit depuis plus
de trente ans une situation de chômage de masse que les politiques menées par
les gouvernements successifs n’ont pas réussi à faire régresser.
Ce fléau remet en cause
l’existence même de notre modèle social et nourrit l’exaspération, les doutes
et les frustrations.
Pour combattre ce fléau, il
sera encore nécessaire de renforcer les mesures nationales : soutien à
l’embauche dans les PME, lancement d’un plan d’ampleur pour la formation et la
qualification des chômeurs, élargissement de l’offre de formation de
l’apprentissage, mais il faudra aussi pour réussir, ne pas hésiter à s’appuyer
sur les initiatives et la volonté des acteurs de terrain.
Je me réjouis à cet égard,
d’avoir pu défendre -et faire voter à l’unanimité au Sénat - au nom de la
commission des affaires sociales, la proposition de loi de mon collègue député
Laurent Grandguillaume, reprenant une idée d’ATD Quart Monde, qui permettra
d’expérimenter, sur quelques territoires dans un premier temps, (dont celui, je
l’espère de la communauté de communes de Prémery) un dispositif permettant à
des entreprises de l’économie sociale et solidaire d’embaucher en contrat à
durée indéterminée des demandeurs d’emploi, afin de développer des activités
répondant à des besoins économiques et sociaux locaux. Ces emplois seront
financés en réutilisant les diverses allocations liées au chômage qui seront
transformées en soutien à l’emploi.
C’est ce qu’on appelle dans
le langage technocratique l’activation des dépenses passives.
Je crois beaucoup dans ces
initiatives, nées sur nos territoires de la volonté des acteurs locaux,
et me réjouis qu’elles puissent ainsi trouver le soutien du gouvernement.
Ce qui est vrai pour cette
expérimentation de « territoires zéro chômeur de longue durée », le
sera aussi, j’en suis certaine pour d’autre projets :
comme ceux portés par
l’association pour les nouvelles ruralités que préside Patrice Joly.
Ou pour la
proposition faite au Premier ministre par Marie-Guite Dufay, notre nouvelle
Présidente de Région, d'expérimenter en Bourgogne-Franche-Comté des dispositifs
innovants en matière d'apprentissage, d'orientation et de sécurisation des
parcours professionnels.
C’est en effet au plus près
du terrain que l’on est en mesure d’imaginer des solutions innovantes adaptées
aux situations locales et comme le dit
la sagesse populaire, c’est aussi avec de petits ruisseaux que l’on fait les
grandes rivières.
Mesdames et messieurs, chers
amis je ne veux pas allonger mon propos en abordant d’autres sujets de fond qui
sont au cœur de notre actualité et mériteraient à eux seuls une intervention
dédiée : la réforme territoriale qui entre en application, la formation de
nouvelles intercommunalités, les grandes régions qui viennent de se constituer,
les difficultés financières des collectivités, ce sont des sujets que nous
avons l’habitude de traiter lors de mes visites dans vos communes et dans les
entreprises et que nous pourrons aborder dans la discussion autour d’un verre
dans quelques instants.
Je ne voudrais pas néanmoins
terminer cette intervention, ici à Château-Chinon, sans dire quelques mots de
ce que sera en 2016 l’année François Mitterrand. J’ai eu le plaisir de
me rendre à Jarnac en compagnie de Guy Doussot pour les cérémonies du 20 éme
anniversaire de son décès, nous commémorerons également le 26 octobre le
centenaire de sa naissance, mais c’est surtout à Château-Chinon, sa ville, là
ou le 10 mai 1981 il prononça son premier discours après son élection à la
Présidence de la République, que tous ceux qui sont fidèles à sa mémoire, à sa
pensée et à son œuvre, auront l’occasion de se réunir le 10 mai. Le programme
de cette journée sera bientôt rendu public, nous travaillons à sa finalisation,
mais d’ores et déjà je vous invite à retenir cette date sur vos agenda.
Pour conclure, je vous
renouvelle mes vœux pour cette année 2016, qu’elle s’ouvre sous les meilleures
auspices et nous donne la possibilité de faire la démonstration qu’avec de la
volonté, de la bonne volonté, du courage et sans doute un peu
d’obstination, on peut parvenir à relever les défis internationaux, nationaux
et surtout locaux. La Nièvre est un beau département, elle fourmille
d’initiatives, de pionniers, d’entrepreneurs et d’acteurs locaux convaincus de
ses possibilités. C’est en travaillant ensemble, main dans la main, que nous
ferons bouger les lignes et lui construirons un avenir.
Bonne année à tous.