Voici la réponse de Laurent Fabius, Ministre des Affaires Etrangères, à ma question d'actualité du 15 janvier 2015 sur le massacre perpétré par Boko Haram au Nigéria, et parue dans le compte rendu analytique officiel du Sénat.
Mme Anne Emery-Dumas. Ma question s'adresse à M. le
ministre des affaires étrangères et du développement international.
Alors que l'attention des médias internationaux était focalisée sur les
événements tragiques que notre pays a connus la semaine dernière, alors que la
communauté internationale manifestait sa solidarité et dénonçait avec force les
attentats terroristes dont la France a été victime, au nord du Nigeria, la
secte Boko Haram commettait, dans ce qui pourrait passer pour de l'indifférence
de notre part, l'offensive la plus sanglante et la plus destructrice jamais
perpétrée depuis le début de ses exactions en 2009.
Pendant cinq jours, du 3 au 7 janvier, les terroristes de Boko Haram sont
entrés dans la ville de Baga, qu'ils ont totalement détruite en quelques
heures, massacrant sans distinction hommes, femmes et enfants dans des
conditions effroyables et revendiquant ces atrocités au nom de l'établissement
du califat islamique dans le nord-est du Nigeria.
Le bilan de cette attaque est terrible et continue de s'alourdir. Amnesty International estime à plus de 2 000 le nombre des victimes dans la région de Baga et à 20 000 le nombre d'habitants contraints à la fuite en direction du Tchad voisin. Le peuple français, qui a su se réunir et se rassembler pour défendre les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité dans les rues de toutes nos villes dimanche dernier, ne peut être insensible au sort des populations du nord-Nigeria ni aux attaques terroristes dont fait l'objet l'État du Nigeria. Monsieur le ministre des affaires étrangères, comment cette offensive de Boko Haram a-t-elle pu se développer dans des proportions aussi effroyables dans le silence de la communauté internationale ? Comment mettre fin à cette extension inquiétante de la zone d'influence de Boko Haram sur les rives du lac Tchad ? Quelle est l'action de la France sur le terrain, aux côtés des forces africaines engagées dans la lutte contre Boko Haram ? (Applaudissements.)
Réponse du Ministre des affaires
étrangères et du développement international
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et
du développement international. Madame la sénatrice, vos propos sont
malheureusement tout à fait exacts. Ils appellent de ma part trois
observations.
Premièrement, il est absolument impossible d'avoir
l'indignation sélective et de pratiquer le « deux poids, deux mesures ».
Des drames épouvantables, des attaques ignobles
surviennent dans le monde, et l'on a parfois le sentiment que, selon l'endroit
où ils se produisent, l'écho est différent. Mais nous ne pouvons entrer dans
cette logique : nous devons condamner avec la même sévérité les actes
terroristes où qu'ils se produisent. Malheureusement, ce qui se passe au
nord-est du Nigeria atteint le summum de l'atrocité.
Deuxièmement, depuis le début, la France apporte son
appui à la lutte contre ce terrorisme de Boko Haram. Je rappelle que c'est à la
demande du Nigeria que le Président de la République française a organisé le
sommet de Paris en mai 2014. Jean-Yves Le Drian et moi-même y avions participé.
Nous travaillons concrètement au renforcement de la concertation entre les
chefs d'État et à une meilleure coopération régionale en matière de sécurité.
Nous avons présenté un projet de mise sur pied d'une force régionale et la
France contribue - je n'entrerai pas dans les détails, pour des raisons que
chacun comprendra - à un dispositif de coordination entre les pays concernés.
Nous faisons donc ce que nous devons faire.
Troisièmement, je veux souligner que le soutien de
tous est nécessaire. Il faut être lucide : la France ne règlera pas à elle
seule tous les problèmes du monde. Nous prenons notre part- certains disent
même plus que notre part -, et c'est à notre honneur, mais la solution est
européenne, internationale, africaine.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le
ministre.
M. Laurent Fabius,ministre. Nous devons agir tous
ensemble. La France apporte et continuera d'apporter sa pleine contribution,
parce qu'il n'existe qu'une seule réponse à cette barbarie : la fermeté dans
l'unité !(Applaudissements.)