mercredi 13 janvier 2016

[Entretien] PPL visant à faire disparaître le chômage de longue durée - vidéo Dailymotion





Voici mon intervention en séance aujourd'hui.

En fin de texte , vous pouvez retrouver la vidéo présentant cette proposition de Loi.



Proposition de loi d’expérimentation territoriale

visant à faire disparaître le chômage de longue durée


Intervention en séance de Mme Anne EMERY-DUMAS,
rapporteure


Mercredi 13 janvier 2016



Monsieur le Président, Madame la Ministre, Mes chers collègues,
Notre pays livre depuis maintenant quarante ans une bataille pour l’emploi dont le déclenchement remonte aux deux chocs pétroliers qui ont remis en cause le modèle de croissance bâti durant les Trente Glorieuses. Confrontés à une aggravation constante de la situation et à une conjoncture économique dégradée, les gouvernements successifs ont dû se contenter de gérer l’urgence et de développer un traitement social du chômage qui, s’il parvient en France à préserver la plupart des demandeurs d’emploi de la grande précarité et de l’exclusion, montre ses limites quand il s’agit d’assurer leur réinsertion professionnelle.
La crise économique mondiale, à partir de 2008, puis les incertitudes qui ont plané sur la soutenabilité des dettes souveraines européennes, ont fait augmenter durablement le nombre de chômeurs dans notre pays. Plus encore, c’est l’effectif des personnes sans emploi depuis plus d’un an, dont l’employabilité a diminué tout autant que leurs chances de
retrouver un emploi stable, qui a connu la plus forte hausse. Entre 2008 et 2015, leur nombre a progressé de 147 %.

Face à ce fléau, il serait illusoire de croire à l’existence d’une seule et unique solution miracle. La réponse est bien entendu multiple, comme l’illustre l’action du Gouvernement depuis 2012 : elle passe par une meilleure formation initiale et continue, à l’instar du plan
de 500 000 formations supplémentaires dédiées aux chômeurs qui vient d’être annoncé par le Président de la République ; par un renforcement de la compétitivité des entreprises grâce au crédit d’impôt compétitivité emploi ; ou encore par la prochaine refonte du code du
travail, afin de donner plus de flexibilité aux partenaires sociaux dans l’élaboration des normes sans remettre en cause les droits fondamentaux des salariés.

Dans ce combat pour l’emploi, il ne faut écarter par principe aucun dispositif innovant, car en la matière l’imagination ne doit pas être bridée.
Telle est la philosophie des initiateurs de ce texte, qui vise plus précisément à lutter contre le chômage de longue durée et qui touche surtout les publics les plus fragiles, et met en péril la cohésion sociale dans notre pays. Je voudrais d’ailleurs rendre hommage aux associations qui soutiennent ce projet, et en premier lieu à ATD Quart Monde, ainsi qu’à notre collègue député Laurent Grandguillaume qui s’est beaucoup investi dans l’élaboration de la proposition de loi et l’a beaucoup enrichie en tant que rapporteur lors de son examen à l’Assemblée nationale.
 
Je ne reviendrai pas en détail sur le contenu du dispositif, que la commission a adopté sans modification le 16 décembre dernier.
Je rappellerai seulement qu’il autorise des entreprises relevant de l'économie sociale et solidaire, conventionnées par un fonds national spécifique, à embaucher en contrat à durée indéterminée (CDI) des demandeurs d'emploi de longue durée, rémunérés au moins au Smic, pour effectuer des prestations répondant à des besoins sociaux locaux non satisfaits, avec pour objectif de les rendre solvables grâce à une réallocation, totale ou partielle,
des dépenses publiques d’indemnisation ou de solidarité dont auraient bénéficié
les personnes ainsi recrutées.

La proposition de loi est donc à la fois modeste et ambitieuse. Modeste, car il ne s’agit à ce stade que d’un dispositif expérimental sur cinq ans, limité à dix territoires volontaires. Ambitieuse,car elle pourrait entraîner à terme un changement de paradigme de la politique
de l’emploi, qui donnerait la priorité à l’activation des dépenses dites « passives » liées au chômage.

Il faut également se réjouir du fait que le texte dont nous débattons aujourd’hui ait pu être enrichi grâce aux avis sollicités par l’Assemblée nationale et le Gouvernement. Celui-ci a confié à l’agence nouvelle des solidarités actives (Ansa) la réalisation d’une étude de
faisabilité du projet. Le président de l’Assemblée nationale a quant à lui saisi le Conseil d’Etat, dont les remarques ont permis d’améliorer la sécurité juridique du dispositif, ainsi que le Conseil économique, social et environnemental (Cese), dont l’avis met l’accent sur les conditions de réussite de l’expérimentation. Par ailleurs, il est heureux de constater que la PPL promeut non pas un mécanisme conçu et piloté par l’administration centrale mais
un projet pensé par et dans les territoires.

Les amendements que j’ai déposés dès la semaine dernière sur ce texte, cosignés par mes collègues membres du groupe socialiste et républicain, s’inscrivent dans la lignée des pistes de réflexion que j’avais identifiées dans mon rapport. Ils répondent également aux remarques formulées par plusieurs collègues en commission, où s’est déroulé un débat très
riche sur ce texte.

La plupart de ces amendements visent à assurer des coordinations et clarifications juridiques, tandis que d’autres apportent des modifications substantielles.
En premier lieu, il m’a semblé utile ne pas cantonner l’expérimentation aux personnes ayant subi un licenciement, autrement dit « involontairement privées d’emploi » pour reprendre les termes juridiques adaptés, mais de l’élargir à toutes les personnes inscrites à Pôle emploi, quel que soit le motif de la rupture de leur précédent contrat de travail. Ce faisant, les
personnes qui ont démissionné de leur emploi, ou celles qui ont conclu une rupture conventionnelle, ne seront plus exclues de l’expérimentation, afin de ne pas complexifier le dispositif et de le garder le plus ouvert possible.

En deuxième lieu, j’ai souhaité renforcer le volet relatif à l’accompagnement des salariés de l’entreprise conventionnée. Certes ces personnes sont en général moins éloignées de l’emploi que celles employées par exemple dans les structures d’insertion par l’activité économique. Il n’en demeure pas moins que des actions d’accompagnement spécifiques demeurent nécessaires, comme l’ont souligné de concert l’Ansa et le Cese, afin notamment d’inciter et d’aider les salariés à travailler ensuite dans des structures non couvertes
par l’expérimentation. C’est pourquoi nous souhaitons que le comité local soit chargé de déterminer les modalités d’accompagnement de tous les salariés de l’entreprise conventionnée, en lien étroit avec les acteurs du service public de l’emploi comme Pôle emploi mais aussi les missions locales pour les jeunes et Cap emploi pour les personnes handicapées.

En troisième lieu, il m’est apparu indispensable de bien distinguer le bilan de l’expérimentation, essentiellement de nature comptable et financière et qui peut être réalisé par le fonds, de son évaluation, fondée sur une analyse économétrique, qui doit être menée par un comité scientifique indépendant, à l’instar de ce qui est prévu pour la garantie jeunes. Chacun conviendra que le fonds ne doit pas être juge et partie en matière d’évaluation, et d’ailleurs il n’aurait pas les compétences pour la réaliser. Cette distinction est fondamentale car c’est à l’aune de cette évaluation que l’expérimentation débouchera ou non sur un dispositif pérenne.
En dernier lieu, je souhaite clarifier les règles de prise en charge de l’indemnité de licenciement en cas d’arrêt prématuré de l’expérimentation décidée par le fonds. Ce n’est que dans ce cas de figure que le texte présume l’existence d’un motif économique au
licenciement, et oblige le fonds à participer au paiement de l’indemnité de licenciement. Dans tous les autres cas, si l’entreprise souhaite se séparer d’un de ses salariés pour un motif personnel ou économique, ce sont bien les règles de droit commun du code du travail qui s’imposent à elle.


Notre débat ce soir permettra je l’espère de clarifier certains points et de dissiper certaines craintes.
La question du financement de l’expérimentation est bien évidemment centrale, certains craignant des conséquences néfastes pour les finances locales. Je rappelle que la philosophie de l’expérimentation est de réorienter des dépenses existantes liées au chômage de longue durée, en principe à budget constant. Le périmètre géographique de
l’expérimentation est par ailleurs très restreint, et elle est portée par des territoires qui sont d’ores et déjà volontaires : ils sont cinq à s’être lancés sans attendre le vote de la loi.

Madame la Ministre, vous avez pris des engagements précis à l’Assemblée nationale sur l’effort exceptionnel que consentira l’Etat pour amorcer l’expérimentation. Les collectivités
territoriales devront néanmoins dès son lancement montrer leur engagement à
co-financer le projet afin de garantir sa pérennité. Le sens de l’expérimentation est de mobiliser tous les acteurs locaux : l’Etat doit jouer pleinement son rôle, sans se substituer aux collectivités territoriales.


Par ailleurs, l’articulation entre cette expérimentation et les structures d’insertion par l’activité économique semble désormais satisfaisante. Celles-ci gardent bien évidemment toute leur utilité et des entreprises d’insertion pourraient même dans certains territoires être
conventionnées par le fonds.

Enfin, il me semble tout à fait pertinent de limiter le champ de l’expérimentation aux seules entreprises de l’économie sociale et solidaire, dont la définition a été clarifiée par la loi du 31
juillet 2014. Ce sont elles qui connaissent le mieux les publics et les problématiques concernés, et qui pourront être rapidement mobilisées pour assurer le succès de l’expérimentation dans les territoires. Toutefois, dans un second temps, si l’expérimentation est concluante, il est tout à fait envisageable d’étendre ce projet à toutes les entreprises, quel que soit leur mode de gestion.

 
En conclusion, je forme le vœu que ce texte,assorti des amendements sur lesquels la commission a donné un avis favorable,soit adopté à l’unanimité ce soir.

Je vous remercie.


LA VIDEO :

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