jeudi 31 octobre 2013

DESERTIFICATION MEDICALE - Question orale


J'ai souhaité attirer l'attention du Gouvernement sur la situation d'Imphy et sur ses difficultés à recruter et à garder ses médecins.

J'interviendrai à nouveau très prochainement auprès de Mme  Marisol Touraine, Ministre de la Santé, pour qu' Imphy entre bien dans le  plan d'urgence "Territoire Santé" de recrutement de médecins lancé par  la ministre.

Ci-dessous le compte-rendu intégrale de la question posée en séance à Madame la ministre déléguée , Madame Anne-Marie Escoffier, et la réponse apportée .

Séance du 29 octobre 2013
(compte rendu intégral des débats)


Désertification Médicale

M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, auteur de la question n° 537, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Anne Emery-Dumas. Madame la ministre, comme beaucoup d'autres départements ruraux, la Nièvre se vide de ses médecins généralistes. Je souhaite attirer plus particulièrement votre attention sur une commune emblématique de la situation nivernaise, Imphy, l'une des communes les plus importantes du département et siège de l'industrie métallurgique locale.

Le dernier médecin installé à Imphy vient d'annoncer son départ. Depuis 2009, la commune s'est pratiquement vidée de ses quatre médecins, malgré l'implication financière et politique de la municipalité pour tenter d'inverser la situation. Les médecins qui ont remplacé ceux qui sont partis à la retraite ne sont pas restés.

Malgré le coût très élevé d'une telle démarche, la ville a pourtant décidé de recruter, via un cabinet de recrutement, ses propres médecins généralistes afin de stopper l'hémorragie. Or tous ces efforts ne peuvent enrayer le processus : en juillet dernier, le dernier médecin généraliste qui exerce à temps plein a fait savoir qu'elle ne resterait pas seule médecin de la commune après le départ de son collègue qui, actuellement, exerce à mi-temps.
Depuis plusieurs années, la commune a tout fait pour assurer l'implantation de nouveaux médecins, mais aujourd'hui, à Imphy comme dans d'autres communes rurales ou périurbaines, les élus sont découragés : leurs efforts se soldent par des échecs répétés.
Une grande partie de la population n'a plus de médecin traitant ; les médecins des communes environnantes, qui sont au maximum de leur quota, refusent de prendre de nouveaux patients ; l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de la commune, qui compte soixante-neuf lits, connaît de graves difficultés, qui ont d'ailleurs conduit le personnel et la direction à engager un mouvement de protestation relayé par la presse locale ; soixante et un patients de cet établissement sont actuellement sans médecin traitant et ont des problèmes très importants de suivi et de renouvellement d'ordonnance.

De plus en plus de communes souffrent de ne plus garantir à leurs administrés l'égalité d'accès aux soins médicaux. La situation d'Imphy n'est malheureusement pas unique dans la Nièvre et bon nombre de communes, bourgs-centres de bassin de vie ruraux, connaissent les mêmes difficultés.

Les autorités locales, les maires, les municipalités se sentent totalement désarmés pour lutter contre ce que l'on ne peut que nommer la « désertification médicale ».


Malgré les interventions de l'Agence régionale de santé, qui rencontre les élus dans le cadre de la préparation du pacte territoire-santé mis en place par Mme la ministre de la santé, peu de solutions sont trouvées pour résoudre les problèmes urgents que rencontrent les territoires.
L'attribution d'un poste de médecin territorial d'ici à juin 2013 a été sollicitée. Pourriez-vous soutenir cette première démarche, madame la ministre ? Elle ne suffira sans doute pas à régler la situation, mais constituerait un signal fort à l'adresse des élus engagés localement.
De manière plus globale, je vous demande, madame la ministre, quelles nouvelles mesures vous envisagez de prendre pour combattre les inégalités d'accès aux soins sur les territoires, pour stopper les départs de médecins généralistes et spécialistes que subissent nos départements et pour soutenir les élus locaux, qui tous les jours se battent pour faire vivre leurs communes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Au préalable, je souhaite assurer M. Le Menn, ainsi que vous-même, madame Emery-Dumas, que je transmettrai à Mme la ministre de la santé les questions supplémentaires que vous aurez soulevées à l'occasion de cette séance.

La réponse que j'ai faite tout à l'heure à M. Le Menn vaut aussi en partie pour la situation que vous avez évoquée, madame la sénatrice, même si, bien sûr, je vais vous communiquer des informations propres à la Nièvre et à la commune d'Imphy, cette cité métallurgique où l'on rencontre certainement, compte tenu de l'industrie qui s'y est implantée, des pathologies particulières, notamment des maladies professionnelles.

La lutte contre la désertification médicale est une priorité pour le Gouvernement. La situation de la Nièvre, en particulier celle de la commune d'Imphy, illustre les réalités très concrètes auxquelles nous sommes confrontés.

Je le redis, le pacte territoire-santé mis en place par Mme Touraine prévoit douze engagements visant à apporter des solutions à ces situations, au travers d'évolutions dans la formation, par la facilitation de l'installation des jeunes médecins et par la transformation des conditions d'exercice des professionnels de santé.

Les premiers résultats, je l'ai dit tout à l'heure, sont là : cinquante contrats ont déjà été signés et cent sont en cours de signature. Ainsi, dans les prochains mois, deux cents médecins généralistes viendront renforcer l'offre de soins dans les territoires fragiles, dont le vôtre.
La mise en œuvre de ces actions a débuté en Bourgogne, région qui a un peu fait naître les projets. Ainsi, 100 % des étudiants de deuxième cycle feront un stage en médecine générale dès cette année. La médecine générale est la section où l'on a aujourd'hui le plus de difficultés puisqu'elle est devenue en soi une spécialité.

Douze postes de praticiens territoriaux de médecine générale ont été attribués à la région et seront effectifs avant la fin de l'année.
Le soutien à la création de maisons de santé a été renforcé ; trente seront en service à la fin de cette année.

Par ailleurs, le nombre de contrats d'engagement de service public a été augmenté et le dispositif étendu, ce qui est un fait nouveau, aux chirurgiens-dentistes, car la problématique de la désertification vaut également pour eux.

Pour assurer la mobilisation de tous les acteurs, l'ARS a mis en place dans chaque territoire de proximité un groupe d'animation territoriale. Ce groupe a vocation à réunir l'ensemble des acteurs de la santé, auxquels s'ajoutent les élus, les institutionnels, les professionnels de santé et les usagers, afin de mettre concrètement en œuvre ces orientations et les actions qu'elles impliquent.

Pour la Nièvre, notamment le pays Nevers – sud nivernais, une première réunion s'est déroulée le 23 septembre dernier afin de présenter la démarche, engager le travail de lutte contre la désertification et renforcer l'attractivité des zones fragiles. Au cours de cet échange, en présence du maire, la situation d'Imphy a pu être abordée et de premières pistes de réflexion ont été explorées. Une deuxième réunion de ce groupe de travail interviendra avant la fin du mois de novembre.

Enfin, madame la sénatrice, je relaierai auprès de ma collègue Mme Marisol Touraine la demande que vous avez formulée concernant l'attribution d'un poste de médecin territorial, de manière qu'au cours de cette rencontre du mois de novembre la demande très pressante et très précise qui est la vôtre puisse être entendue et prise en compte.

M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas.

Mme Anne Emery-Dumas. Madame la ministre, je vous remercie de bien vouloir relayer auprès de Mme Marisol Touraine la demande que j'ai formulée. Elle est effectivement très pressante, car la situation devient extrêmement difficile dans notre département.

Je crains d'ailleurs que le détachement de médecins hospitaliers pour des prestations obligatoires ne suscite également d'autres problèmes, les postes de médecins hospitaliers étant malheureusement loin d'être eux-mêmes pourvus.

L'action que nous menons s'agissant des maisons de santé, voire des maisons publiques de santé - un certain nombre de collectivités pensent à recréer ce que l'on appelait dans le temps des dispensaires, en embauchant directement des médecins - pourrait être une solution et recevoir le soutien du Gouvernement.


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